vendredi 25 septembre 2015

Le généalogiste évolue, j'vous l'dis ma bonne dame !



Comme je l'ai déjà annoncé sur le blog, je suis en pleine reprise d'études, me trouvant à devoir rédiger un mémoire d'histoire pour juin. Conclusion : peu de temps à consacrer à la généalogie à proprement parler.

Cependant, je reviens ici pour pousser un mini coup de gueule contre certains historiens. Lors d'un de mes cours j'entends un professeur dire : « Il faut aller aux archives, vous y croiserez même de simples généalogistes » ou en lisant un article scientifique lire en substance que la généalogie c'est pô bien parce que c'est un alignement de noms et de dates en lignée agnatique.

Alors non, mesdames et messieurs les historiens, le généalogiste n'est plus (que) le gentil retraité qui profite de son temps libre pour passer une journée de temps à temps à farfouiller dans des registres paroissiaux aux archives départementales. Vous savez, le minitel, c'est fini… Aujourd'hui, les généalogistes ont accès aux registres paroissiaux et d'état-civil en ligne et la collection de dates, de lieux et d'aïeux est devenue tellement aisée que la plupart de ces « simples généalogistes » partent en quête d'autre chose. Mais de quoi ?

Eh bien je vous le donne dans le mille : le généalogiste, quoi qu'on en dise, est devenu apprenti-historien. Quand il va aux archives, c'est pour fouiller les minutes notariales, c'est pour traquer dans les inventaires les références à ses ancêtres (ou aux ancêtres d'autrui), il mène une enquête tout comme l'historien. Et même, oserai-je dire, il est parfois plus efficace que l'historien dans la reconstitution des familles, car, si le généalogiste ne problématise pas sa recherche comme le ferait l'historien, il est passé maître dans la fabrication de liens familiaux et même extra-consanguins.
Le généalogiste est diablement efficace. Il connaît les outils, il connaît les associations généalogiques, il sait traquer le travail déjà fait sur telle ou telle famille, il peut même parfois vous dire d'où vient une famille rien qu'en regardant son patronyme (si, si, j'vous jure, ça m'est arrivé l'an dernier, je suis allé voir une fille dont j'avais entendu le patronyme : « Tu viens de Lille, toi — Mais comment tu sais ça ? — La généalogie, mademoiselle, la généalogie ») . Il étudie les branches collatérales, il connaît sa généalogie cognatique, il cherche à étoffer la vie des femmes comme des hommes, bref, il sait y faire.
Aujourd'hui le généalogiste lit. Il lit de plus en plus de travaux historiques scientifiques ; même s'il aura toujours une tendresse pour Stéphane Bern et Jean-Louis Beaucarnot il trouve qu'ils sont quand même un peu faibles quand on creuse… il se tourne vers les maîtres de conférences, les Professeurs, il lit des articles scientifiques, il maîtrise mieux Gallica que les étudiants de Master qui se demandent encore ce que ça peut bien être, etc.
Le généalogiste cherche à comprendre et il n'est pas loin de problématiser. Il veut comprendre pourquoi telle personne est témoin à tel acte, pourquoi machin est le parrain de machine. Pourquoi, comment, en quoi, voilà le début des phrases des généalogistes d'aujourd'hui.
Le généalogiste est capable de vous dire dans quel fonds trouver tel acte, il sera meilleur que la quasi-totalité des apprenti-historiens en paléographie, il a des rudiments de latin, il a développé par sa pratique un instinct. S'il n'a pas la connaissance de l'historiographie, s'il n'a pas la connaissance de la méthodologie historique, il n'en reste pas moins un être capable de surprendre. Certes, il n'entre pas dans le champ, il ne vient pas du milieu universitaire. Et alors ?
Je rêve du jour où l'historien associera le généalogiste à ses recherches car le généalogiste a beaucoup à apprendre de l'historien, mais l'historien a aussi beaucoup à apprendre du généalogiste.

Heureusement, il y a des historiens, de très grands historiens, qui sont conscients que le généalogiste n'est pas un simplet qui aligne des noms de père en fils depuis les calendes grecques. Même s'il aligne les noms, chers lecteurs du blog, je vais vous faire une confidence : certains historiens, même parmi les plus grands, quand ils tentent de reconstituer une famille ont souvent comme premier réflexe d'aller regarder sur… Geneanet.

Comment lutter contre ces préjugés ? Ce n'est pas évident, je dois l'avouer. J'avais, jadis, publié un article (sur over-blog) sur les clichés concernant les généalogistes à partir d'un article de la FFG qui était un article-cliché sur les jeunes (du genre qui dit « généné-génénéalogie »).
J'ai donc pris la résolution, de temps en temps, de publier un article de méthodologie historico-généalogique. Je parlerai d'un sujet précis et je donnerai des pistes de recherches, des bibliographies qui serviront autant au généalogiste qu'à l'apprenti-historien. Je n'ai pas plus de légitimité qu'un autre à le faire (et même j'en ai moins qu'un maître de conférence ou qu'un professeur d'université) mais me lira qui voudra et je laisserai même certains historiens se gausser de mes futures erreurs.

9 commentaires:

  1. Parfois on croise même des historiens bien en peine de faire de "simples" recherches généalogiques... ou d'autres tout contents d'avoir découvert tel truc dans l'histoire familiale d'un des sujets objet de recherche ("bah ouais, en fait tu as fait des recherches généalogiques quoi...").
    Il faut oeuvrer à casser les hiérarchies et les clichés encore parfois présents. A traits forcés :
    - l'archiviste frustré de pas être historien... et dédaigneux envers les généalogistes ("euh... c'est un peu la majeure partie du public, alors faut le ménager un peu"),
    - le généalogiste un peu imbus de lui-même qui traite de haut les personnes chargées de la salle de lecture, obtus à toute compréhension du fonctionnement des archives et à l'histoire de la création, de la conservation, du classement et de la communication des documents,
    - l'historien donneur de leçon à l'archiviste et qui est le premier à découvrir ce document ("euh en fait le premier peut-être à l'utiliser à cette fin, à le publier, mais pas nécessairement à le découvrir").

    Heureusement, la plupart du temps, on a affaire à des gens civilisés, polis et curieux :-)

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    1. Maïwenn, tu peux ajouter celui qui a fait des études en histoire, et qui finit par faire autre chose (Préfet par exemple...). Un bon frustré aussi, qui méprise bien les généalogistes.
      Heureusement, les nouvelles générations, qu'elles soient de généalogistes ou d'historiens, comprennent de plus en plus l'intérêt de travailler ensemble, et de profiter mutuellement des expertises.

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    2. C'est vrai que l'histoire mène à tout (et finalement, peu à prof d'histoire) et on retrouve d'ex étudiants en histoire partout !

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  2. C'est l’éternel débat entre professionnel (l'historien) et amateur (le généalogiste). Le professionnel voit la démarche de l'amateur comme quelque chose de superficiel et plus ou moins inutile, et l'amateur voit le professionnel comme quelqu'un de borné et un peu lent dans ses démarches.

    La même chose existe dans d'autres domaines. Par exemple l'astronomie ou les amateurs arrivent encore a faire des découvertes (par exemple: http://www.maxisciences.com/plan%E8te/ph1-une-planete-a-quatre-soleils-decouverte-par-des-astronomes-amateurs_art27081.html).

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  3. Voilà un beau portrait, sympa, dans lequel les généalogistes se reconnaitront. C'est très flatteur et bien observé. ;-)

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  4. Superbe article auquel j'adhère complètement et dans lequel je me reconnais ! Je suis d'accord avec d'aïeuxetd'ailleurs : il faut casser les clichés et cet article y contribue. Mais, il faut reconnaître que le passif est lourd et les généalogistes "collectionneurs d'ancêtres" existent encore. Il y a encore du travail à faire et les associations ont leur rôle à jouer.
    Cédric a aussi raison en parlant de l'éternel débat pro Vs amateurs ! Les choses évoluent lentement mais sûrement. C'est compliqué.

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  5. Merci pour cet article qui me ramène une vingtaine d'années en arrière, quand je me rendais aux archives départementales pour mes recherches généalogiques ou pour ma maitrise d'Histoire ... J'avais l'impression d'être deux personnes distinctes tant l'accueil était différent

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  6. Merci Tom pour votre "coup de gueule" à bon escient !
    Nous adhérons à cet article car effectivement il faut remettre les choses à leur place face à cet éternel problème comme le dit Cédric.

    Il n'y a que les généalogistes qui comprennent que le plus intéressant c'est de retracer la vie de leurs ancêtres et non pas d'aligner des noms et des dates, ni de faire un concours pour arriver le plus loin possible, même si c'est tout de même UN de nos buts.

    Alors que ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent se taisent ou alors qu'ils cherchent à comprendre plutôt que de dénigrer les généalogistes.

    Une simple généalogiste et fière de l'être pour toute l'équipe de APL.

    Pour compléter je cite ce commentaire très beau de Jérôme MALHACHE dans "Généalogistes. Anecdotes de professionnels" :
    "Si vous réunissiez quelques généalogistes dans une pièce et les laissiez parler de leur expérience, alors vous auriez l'impression d'explorateurs intarissables de retour d'un autre monde. C'est bien le cas pourtant. Ils ont voyagé dans le temps, y ont croisé des ombres qu'ils ont appris à connaître. Ils en sont revenus, parfois un peu meurtris, les yeux brillants. Mais le jour suivant, il sont repartis là-bas."

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  7. Personnellement j'ai réglé le problème, je suis étudiante en master histoire et passionnée de généalogie donc j'associe les deux dans mes recherches :)

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