Aujourd’hui, chers lecteurs, parlons un peu d’Amour.
Car dans neuf mois c’est la Saint-Valentin !
L’amour n’est pas toujours réciproque, c’est un fait.
Mais, même lorsqu’il est réciproque, la famille peut intervenir, dire nein ! et vos espoirs deviennent
désespoir. Sur cette note joyeuse, allons-y !
L’argent
Mon aïeul (trisaïeule même !) Mathilde Patte
est née en 1859 aux Pays-Bas. Sa famille y était dans le négoce de vins et
spiritueux. Du moins son père ; le frère de celui-ci était dans la
ganterie. Une bonne famille bourgeoise qui était de Valenciennes, quoi !
Et elle était amoureuse ! Oui, amoureuse !
De qui ?
De son cousin ! Plus exactement son cousin
issu de germain, Albert Bruneau (1857-1951). Et c’était réciproque ! Fils
d’un riche pharmacien, petit-fils par sa mère d’un filateur de lin (les fameux
filateurs du Nord), Albert Bruneau devint ensuite « brasseur »… en
fait, ça veut dire qu’il possédait une usine qui fabriquait de la bière. Cet
amour de jeunesse fut rapidement déçu car Mathilde n’était pas assez riche pour
épouser son cousin : sa dot, trop maigre, ne satisfaisait pas les attentes
des parents Bruneau. En en parlant avec ma grand-mère, 93 ans et toujours espiègle,
celle-ci me répondit : « Ça explique pourquoi il venait si souvent
nous voir à Marseille alors qu’il vivait à Lille ».
Albert Bruneau
Disons que cet amour déçu me permet d’être là
aujourd’hui, car après ce béguin, mon arrière-arrière-grand-mère rencontra mon
arri… mon aïeul. En effet, Léon Prat, jeune officier en garnison à Condé, dans
le Nord, fut amené à rencontrer la famille Patte. Ceux-ci l’aimant bien et lui,
cherchant probablement une épouse, trouva Mathilde à son goût et demanda aux
parents, formellement, le droit de faire la cour à leur fille. Oui, tout à
fait. Ce fut accordé et ils convinrent de se marier.
Ils se sont entendus, ont eu 5 enfants et sont
tombés très amoureux l’un de l’autre. Comme quoi !
Léon Prat et Mathilde Patte, mes arrières-arrières-grands-parents
La religion
Léon Prat, de son côté, a aussi vécu une
expérience similaire. Il est né en 1851 à Lorient, en Bretagne. Son père était
d’origine très modeste puisque fils d’un brassier. Rien à voir avec le
brasseur, hein ; le brassier n’avait pour usine que ses bras et vivait du
travail qu’on lui donnait le matin même, souvent dans les champs : un
journalier, en somme. Il partit donc pour la Bretagne où, cordonnier, il finit
par travailler pour l’arsenal de Lorient, s’occupant de chausser les soldats et
officiers. Il eut ainsi l’opportunité de se faire un réseau qui fut utile à ses
enfants.
C’est ainsi que Léon Prat, jeune, rencontra la
famille Caen. Riche famille dont le père considérait le jeune Léon comme un
fils. Et le jeune Léon tomba amoureux de la fille. Et elle en pinçait aussi
pour lui.
Alors, le jeune Léon demanda à M. Caen s’il
pouvait se fiancer avec sa fille. Ce fut un refus net. Malgré toute l’affection
de M. Caen pour Léon Prat, il ne pouvait déroger à une règle ancestrale :
le mariage entre coreligionnaires. Car les Caen étaient juifs.
M. Caen.
Il s’est passé exactement la même histoire avec
le fils de Léon, Marcel Prat, et la fille de cette demoiselle Caen, Charlotte.
Amour déçu, encore. Cette dernière épousa un homme juif et ils eurent deux
filles. Très tôt veuve, puis remariée à un catholique cette fois-ci, elle vécut
une tragédie qui aurait pu l’emporter sans ce second mariage : l’Occupation.
Ses deux enfants furent déportées et disparurent dans l’horreur des camps nazis.
Très attachée à Marcel Prat, Charlotte continua
pendant bien longtemps de correspondre avec lui. Après la Seconde guerre, elle
lui écrivit ceci : « J’ai touché le fond de l’abîme en perdant tous ceux
qui m’étaient chers. »
Marcel Prat est mon arrière-grand-père et c’est
bien après cette rencontre avec Charlotte qu’il rencontra Mélanie Lefèvre, mon
aïeule. Dans un mariage tout à fait arrangé par une marieuse : « La Générale »
car épouse du général Ravenez, sa marraine de guerre dont l’époux avait fait
Saint-Cyr avec celui qui deviendra son beau-père (ce paragraphe est sponsorisé
par Ibuprofène).
Mon arrière-grand-père, Marcel Prat.
La famille
Nous avons vu que Léon Prat et Mathilde Patte ont
fini par se marier et sont les parents de Marcel Prat. Ils ont aussi eu une
fille Valentine.
Cette dernière, après ses années de pensionnat,
revint chez ses parents quelques temps. Son grand-oncle maternel, Ernest Patte,
très apprécié, suggéra aux parents de la demoiselle que cette dernière devait
peut-être trouver à se marier. Il suggéra un jeune homme, un cousin à eux,
Henri Monchicourt. Celui-ci vivait avec ses parents à Milan, où son père a été
un temps représentant de la marque Poure et Blanzy (plumes métalliques) pour
toute l’Italie. Guère étonnant car ce représentant était le fils de Vincent
Monchicourt qui avait fondé une entreprise de plumes métalliques à son nom qu’il
arrêta lorsque l’usine fut brûlée durant la Commune. Ils s’y connaissaient en
plumes !
A ce moment-là, les Prat vivaient à Amiens (nous
étions en 1905). Les parents acceptèrent l’offre de l’oncle Ernest pour faire
se rencontrer les jeunes gens. Henri fit donc un voyage Milan-Amiens et trouva
la jeune Valentine agréable ; il n’était pas contre l’idée de l’épouser. Après
avoir, dans les règles, été autorisé à faire la cour à la jeune fille, la
famille décida que ça suffisait et qu’on les marierait au printemps 1906.
Valentine et Henri ne se connaissaient pas et le
bref séjour suffit aux familles à décider de l’union. Le mariage ne fut pas
malheureux et le couple eut trois enfants. Malgré tout, un petit revers de
fortune obligea le couple à quitter l’Italie pour s’installer à Paris. Mariage
sans éclat, sans passion et totalement arrangé.
Valentine Prat et son époux, Henri Monchicourt
L’amour qui triomphe !
Parfois, ceci dit, l’amour triomphe ! L’histoire
que je vais vous conter, comme les autres, est bien sûr véridique, malgré son
côté romanesque.
Elizabeth Prat, sœur de Valentine et Marcel,
fille de Léon et Mathilde Patte (vous suivez ?) était l’aînée de la fratrie.
Un jour, un cousin désargenté vint rendre visite à la famille : Edmond
Carrette. Elle en tomba follement amoureuse et lui tomba follement amoureux de
sa cousine. Edmond Carrette alla parler au père de la jeune femme, le très
sérieux colonel Prat. Celui-ci refusa net. Il était totalement opposé à cette
union.
Pourquoi ?
Parce que le jeune Edmond Carrette était un
cousin et un orphelin. Autant je peux comprendre le premier argument, autant le
second m’échappe un peu. Ses parents étaient en effet décédés, il lui restait
sa grand-mère maternelle, sœur de la grand-mère d’Elizabeth Prat. Cette sœur,
Félicie Touillez, née Patte, venait très souvent voir sa sœur Elise à
Valenciennes, probablement pour être moins seule et aussi parce que du coup,
elle était nourrie et logée à l’œil (ce qui est toujours mieux que de se priver
de tout !).
Le père d’Elizabeth refusa ce mariage
probablement parce qu’Edmond était trop « juste » financièrement. Il
n’était pas pauvre, avait une situation honorable d’employé, mais ce n’était
pas suffisant. De plus, Léon Prat estimait qu’Edmond Carrette « n’était
pas un homme ». Bref, ça ne passait pas bien du tout.
Elizabeth en tomba malade. Alitée, désespérée,
littéralement malade d’amour, son état empirait de jour en jour. Le docteur
Woimant vint à son chevet et ne pouvait que constater l’état de la jeune fille.
En tant qu’ami intime de la famille, il alla voir le père et lui parla
franchement, ne comprenant pas les raisons qui poussait un père à refuser cette
union et à laisser sa fille dans un tel état.
Léon Prat prit alors conscience de la situation
et probablement aussi de son entêtement. Il autorisa alors officiellement
Edmond Carrette à faire la cour à sa fille (sachant qu’ils voulaient déjà se
marier, mais bon, le protocole, tout ça…).
Le couple Carrette-Prat se maria en 1906 à
Amiens, la même année que le couple Monchicourt-Prat.
Elizabeth Prat et Edmond Carrette
Comme vous avez pu le constater, aimer n’était déjà
pas de tout repos. J’ai décidé de limiter cet article, car je compte bien
revenir sur le sujet avec d’autres histoires romanesques mais véritables !
Quel bonheur toutes ces anecdotes ! En plus c'est très bien écrit, un plaisir à lire !
RépondreSupprimerC'est passionnant, la dernière histoire étant totalement charmante. Mais ce qui a fait ma journée, je l'avoue, honteuse... c'est le "ce paragraphe est sponsorisé par Ibuprofène" :-D
RépondreSupprimerEn plus d'avoir une ribambelle de photos de famille, voilà que les secrets des unions sont connus, et fort bien relatés. Un régal ce texte.
RépondreSupprimerAmour toujours ? Et toujours de l’humour dans ce billet pétillant.Je suis séduite par cette généalogie ! ;-)
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