dimanche 28 janvier 2018

Tous descendants de Charlemagne ?

Une vidéo a été publiée il y a quelques heures sur Youtube par le célèbre youtubeur Léo Grasset disant que nous sommes tous de sang royal.
S’appuyant sur une démonstration statistique et sur des publications scientifiques, nous voilà tous descendants de Charlemagne.

Est-ce vrai ?

La démonstration est simple. On aurait 1 billion de sosas à l’époque de Charlemagne, soit bien plus que d’habitants à l’époque. Donc tous les habitants de l’Europe du IXe siècle ayant toujours une descendance seraient nos ancêtres.
De plus, statistiquement, il y aura moins de chances de descendre de Charlemagne que le nombre d’atomes dans l’Univers

Mais voilà, il y a un petit problème… Si Léo Grasset ne méconnaît pas l’implexe (l’endogamie ou le mariage entre cousins plus ou moins lointains), il en méconnaît la fréquence et l’importance. Et nous aussi. En effet, comment savoir si tel paysan du XIVe siècle dont nous n’avons pas trace dans nos documentations s’est marié avec sa cousine germaine ou une illustre étrangère ? Car ce n’est pas la même chose.

Si j’épouse ma cousine germaine, nos enfants auront moins d’ancêtres différents que si j’épouse une étrangère.

On peut descendre 60, 100 voire plus de fois d’un même ancêtre à la 10e génération. Alors, à la 40e, il ne reste plus grand-monde… On réduit drastiquement le nombre d’ancêtres réels à l’époque de Charlemagne. Plus encore, dans certaines régions où l’endogamie était très importante, ou dans certains milieux sociaux, on peut très bien se retrouver à descendre de paysans qui vivaient déjà dans le coin au IXe siècle sans avoir de sang carolingien.

Si l’exogamie a toujours existé et est le fait même de toute société humaine comme nous le dit Lévi-Strauss il faut prendre en compte tellement de paramètres qu’il est impossible de déterminer qui est l’ancêtre de qui à quelle époque. La statistique donne des pistes, mais ce n’est que de la statistique, ce n’est pas forcément la réalité.

Les généalogistes connaissent cette assertion disant que 9 européens sur 10 descendent de Charlemagne, tout comme ils attribuent à La Bruyère cet adage « Tout homme descend d’un roi et d’un pendu ».

Cela montrerait déjà que La Bruyère n’avait pas besoin des dernières publications scientifiques en anglais pour dire ce qui est logique : l’exogamie conduit à des surprises généalogiques. Mais pas forcément celles que l’on croit. On peut très bien descendre de Charlemagne ou de saint Louis ou simplement descendre de braves cultivateurs franc-comtois.

Après, on pourrait dialoguer sur la méthode. Est-ce que faire de la statistique en partant de Charlemagne et en disant qu’il y a moins de chances de descendre de lui que de se prendre une météorite sur le coin de la figure est une bonne méthode ? N’est-ce pas comme dire, tels les frères Bogdanov, que Dieu existe puisqu’il n’y avait presque aucune chance, en partant du Big-Bang que l’on arrive jusqu’à nous, êtres humains plus ou moins évolués… Finalement, c’est laisser de côté le simple hasard pour certains, ou les paramètres socio-historiques pour d’autres.

Regardons par exemple le cas islandais. Dans ce beau pays, l’endogamie a été telle jusqu’à aujourd’hui, qu’il y a été développé une application permettant de savoir quel est le degré de cousinage avec le garçon ou la fille que tu viens de rencontrer. Mais du coup, moi, qui suis de Marseille, avec mon nom qui fleure bon la carbonara, quelles sont mes chances d’avoir un ancêtre islandais au temps de Charlemagne ? Et mieux, d’avoir comme ancêtres, tous les Islandais (ayant toujours une descendance) du IXe siècle ?
Les chances ne sont pas nulles, mais il faut prendre en compte de très nombreuses données.

Personnellement, je pense qu’il y a de grandes chances qu’une large majorité d’européens descende de Charlemagne. Mais la majorité n’est pas l’unanimité. Et enfin, quoi de mieux pour nous prouver votre ascendance carolingienne, que de faire votre arbre ?
Car après tout, l’intérêt de la généalogie, c’est de pouvoir prouver (dans la mesure du possible) telle ou telle filiation, de mieux connaître la vie de nos aïeux. Il ne faut pas nier l’intérêt de la généalogie, même si les chances d’avoir Charlemagne dans l’ « album de famille » étaient de 100%, car c’est le chemin qui est intéressant, pas forcément la destination. Sinon, à quoi bon regarder Titanic si l’on sait déjà que le bateau va couler ? Ou un film sur la Seconde guerre mondiale en sachant déjà que les Allemands vont la perdre ?

Finalement, cette vidéo a une grande utilité (en plus de la bienveillance de sa vulgarisation), celle, peut-être, de vous pousser à vous intéresser à vos origines, quelles qu’elles soient. Et peu importe, au final, si vous descendez de Charlemagne ou de son valet de chambre, tant que vous prenez du plaisir à chercher.


Voir aussi mon article de 2015 qui tente de vous montrer qu'il n'est pas non plus farfelu d'affirmer descendre de Charlemagne : Sacré Charlemagne, sacré ancêtre !

2 commentaires:

  1. La démonstration est claire et brillante. Ce n'est pas le professeur Dupaquier qui la nierait. Le paramètre géographique n'est cependant pas suffisamment mis en valeur. Ainsi, un Chinois du fin fond du Sichuan, ou un Indien d'une forêt amazonienne, a peu de probabilité de descendre de Charlemagne. Un Européen par contre oui.

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  2. OK, c'est très intéressant de savoir que descendons peut être de Charlemagne et pas les indiens d’Amazonie... Quel soulagement pour eux ! :-)))) Mais toutes ces spéculations ne répondent pas à une question essentielle... Qui a été là en premier ...la poule ou l’œuf ?

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