Après une longue absence, Sacrés Ancêtres !
revient rien que pour vous, chers lecteurs ! Cela fait 8 ans désormais que
le blog existe et il s’en est passé des choses durant toutes ces années dans le
petit milieu de la généalogie.
Il y a notamment cette mode de la « généalogie
génétique ». Le principe ? Envoyer des échantillons salivaires et
recevoir des résultats vous disant de quelles zones géographiques vous êtes originaire.
Dans cet article, je ne chercherai pas à contredire
ou à soutenir l’aspect scientifique de ce genre de données. Outre que je ne
suis pas biologiste, ça ne m’intéresse pas vraiment. Vous pourrez trouver sur Internet
des développements plus ou moins longs là-dessus et aussi beaucoup d’interrogations
de personnes qui ont des « interprétations » différentes de leurs résultats
suivant les compagnies, ou des frères et sœurs aux résultats différents.
Visiblement, il y a un problème lors de l’interprétation des résultats qui peuvent
vous dire dans la compagnie A que vous êtes majoritairement nord-africain et dans
la compagnie B majoritairement scandinave. Mais admettons que tout cela s’améliore.
Est-ce de la généalogie ?
Non.
La « généalogie génétique » n’est pas
de la généalogie. Et si vous trouvez un intérêt dans vos résultats, ce ne sera
pas un intérêt généalogique.
Pourquoi ? Parce que la généalogie n’est pas
une histoire de gènes justement. Déjà, aucune entreprise ne vous fournira d’arbre
généalogique, aucune entreprise ne vous fournira de localisation précise, de
dates précises et encore moins d’explications sur la vie de vos ancêtres. Mais
ça… à la limite…
Le véritable problème de ces tests ADN vient d’une
pensée terriblement ancrée dans les populations occidentales depuis un siècle :
le scientisme et la biologie comme vérités sur l’être humain. L’être humain a
des particularités, comme le langage, la vie en société évoluée, la conscience
de soi, etc. N’en déplaise aux antispécistes qui considèrent que la vie d’un
humain ne vaut pas plus que celle d’une crevette. Le fait d’être en société et
d’avoir des comportements sociaux particuliers par exemple, font que l’être
humain ne peut être réduit à sa composante biologique. En gros, le fait de
parler, d’écrire sont permis par des aspects biologiques mais ne déterminent
pas la « qualité » d’une phrase ou d’un texte. Sinon, on peut mettre
sur le même plan biologique la rédaction d’un élève de 5e et l’œuvre
de Voltaire. Ils ont cinq doigts à chaque main, les utilisent de telle ou telle
façon, etc.
Je vous vois, au fond de la classe en train de
vous dire : « Mais quel est le rapport ? »
Le rapport ? C’est la même chose pour la
parenté, donc pour la généalogie. On ne peut pas réduire un père à son apport
en spermatozoïdes. Le « père » est en cela différent du « géniteur ».
Le père est celui qui est reconnu comme tel par lui et par les autres. Parfois
il n’est pas le géniteur et d’ailleurs, parfois il le sait et d’autres fois,
non.
Quand on fait une généalogie, on se base sur des documents.
Et ces documents sont normatifs. Ils servent à établir une nationalité, une
parenté, une reconnaissance, servent aussi à donner un nom et à établir une
succession. Et le généalogiste, comme l’historien, doit garder un esprit critique
face à d’éventuelles falsifications, etc. Mais ça reste marginal. Dans la
grande majorité des cas, les registres paroissiaux, d’état-civil, notariés,
etc., ne sont pas falsifiés et le croisement de données permet de vérifier cela
ou de corriger une erreur (donc non-voulue).
En gros si les documents vous disent que Jean
Dupont est fils de Louis Dupont et de Marie Durand, c’est ainsi. C’est ainsi
que la société l’a accepté, ce sont probablement les personnes qui ont élevé l’enfant,
lui ont donné un nom de famille, etc. Ils ont éduqué l’enfant de telle manière,
ce qui a des répercussions sur la manière dont cet enfant élèvera les siens. Du
moins, c’est en partie par son éducation familiale que l’on connaît mieux l’ancêtre.
Admettons que demain, vous exhumiez Jean Dupont
et son père Louis. Et que vous trouvez que Louis n’est pas le géniteur. Est-ce
que ça lui enlève sa qualité de père ? En somme, est-il toujours le père
de Jean ? Oui. Car la société, l’État, l’ont reconnu comme tel. On peut
chercher le géniteur, notamment pour mieux connaître la mère, voir si le
géniteur a eu d’éventuels liens avec l’enfant. Mais ça ne fera pas de lui le
père.
La généalogie est une science historique, humaine
et sociale. En cela, elle cherche à comprendre le passé. Et si l’on a un doute
sur le géniteur, il faut l’exprimer pour les raisons sus-évoquées. Malgré tout,
l’aspect généalogique ne change pas. Louis Dupont reste le père de Jean.
Cela peut paraître contre-intuitif. Il faut
comprendre que la parenté est faite de normes sociales qui n’ont rien à voir
avec la biologie. L’être humain, s’il reste une réalité biologique, se hisse
au-dessus en établissant des normes parce que son esprit, parce que la société
le permettent. Réduire l’être humain à sa biologie, c’est le déshumaniser.
Ainsi, le généalogiste accepte que les parents de l’enfant sont les parents
sans se poser la question de savoir si c’est le facteur qui a mis enceinte
madame ou si les bébés ont été échangés ou Dieu sait quoi !
Comme je le disais, depuis plusieurs décennies
fleurissent les arguments socio-biologiques « naturel » ou « contre-nature ».
Le but étant de renvoyer à un ordre « naturel » des choses, ou se basant
sur un hypothétique passé. Ces arguments sont stupides. Pendant longtemps, l’État-Civil
français nommait le père de l’enfant comme étant le mari de l’accouchée. Et qu’importe
si la dame avait 100 amants ou si l’époux était parti en guerre y a un an.
Comme vous le voyez, la vraisemblance n’est pas toujours de mise. Mais cela est
fait pour des questions de normes sociales, de vie en société. Aujourd’hui,
fait-on passer des tests de paternité à chaque naissance ? Non et heureusement.
La parenté n’est pas génétique et ne l’a jamais
été. Elle est sociale. Sont les parents ceux qui sont considérés comme tel par
les membres de la société, par eux-mêmes et par leurs enfants.
Le discours « biologisant », qui en soi
n’a que peu de liens avec la recherche scientifique, tente de rendre tout
comportement humain « scientifiquement explicable ». Demandez autour
de vous : Pourquoi les mariages incestueux sont interdits ? La
réponse ultra-majoritaire sera : Parce que les enfants sont difformes.
Outre que ce fait est contestable, les supposées difformités d’enfants n’ont
rien à voir. Toutes les sociétés humaines, de tout temps, ont un tabou de l’inceste.
Et c’est bien plus probablement lié à une réalité anthropologique que je vous
invite à découvrir dans les livres de Lévi-Strauss. On remplace donc une réalité
humaine (l’inceste comme un repliement sur sa famille qui empêcherait les
alliances, les échanges et qui conduirait à la perte de la cellule familiale,
donc comme un mécanisme essentiel de survie d’une famille dans une société) par
une pseudo-réalité biologique. On fait la même chose en généalogie où on essaie
de remplacer la réalité sociale de la parenté par un discours « naturaliste ».
Pour conclure ce trop long article, je précise
que je n’ai rien contre les sciences dites « dures ». Si je ne suis
pas très doué dans certaines, je trouve toujours intéressant de lire des publications
sur les dernières découvertes ou des ouvrages de vulgarisation. Non, le problème
vient de charlatans qui vont vous ouvrir les chakras ou libérer vos fluides
animaux mais aussi de personnes, parfois scientifiques doués, qui ont une quête
du pouvoir et qui souhaitent ramener toutes les connaissances, tous les faits,
dans leur domaine, quitte à déformer la réalité.
La « généalogie génétique » n’a donc
aucun rapport avec la généalogie que nous pratiquons. Ce n’est pas non plus une
sous-catégorie de la généalogie. Ce n’est pas non plus une branche parallèle
reliée à l’Histoire. Ce sont des tests ADN qui peuvent, s’ils sont correctement
interprétés, vous dire de quelle vague peuplade vous venez. Peuplade à l’échelle
de « la Scandinavie », « l’Afrique du Nord » sans époque
précise.
Ça peut être une curiosité amusante, mais ce n’est
pas de la généalogie.
Je plussoie :-)
RépondreSupprimerEntièrement d'accord.
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJe suis en partie d'accord avec l'article. Complétement en phase sur l'aspect social de notre communauté d'humains. Pour ma part, j'ai toujours fait le distinguo entre le père (au sens biologique qui est qualifié ici de géniteur) et le papa, celui qui éduque et qui participe à faire de son enfant en partie ce qu'il sera plus tard.
RépondreSupprimerPar contre, le passage sur l'inceste m'a fait bondir. Bien entendu qu'il y a un aspect social extrêmement fort et que les communautés humaines ont de tout temps chercher à se brasser avec leurs voisins, pour les terres et autres alliances. Mais biologiquement, le brassage est aussi nécessaire. Les mariages entre rois et reines de la même famille au cours de notre Histoire suffit à prouver que l'inceste conduit inlassablement à des anomalies génétiques. Si l'Islande aujourd'hui cherche tant des migrants, c'est justement pour profiter du brassage génétique que cela induit.
Je suis personnellement opposé à la "généalogie génétique", non pour le fait que ce n'est pas de la généalogie, puisque cela permet de retrouver des cousins et en cela, c'est aussi de la généalogie, mais tout simplement que je me refuse aujourd'hui de donner mon ADN à une société américaine contre laquelle je ne pourrais jamais me retourner si elle décidait de changer unilatéralement les conditions du contrat que j'ai passé avec elle.
Je trouve aussi que les recherches ADN n'ont rien, mais rien du tout, à voir avec la généalogie.
RépondreSupprimerPour le reste, le père biologique est tout de même important. Il suffit de songer aux bâtards royaux qui ont parfois fait trembler le pouvoir en place...
La généalogie génétique est aujourd'hui embryonnaire. Mais elle va se développer, ne vous en déplaise. Pour la raison que de plus en plus de gens vont vouloir retrouver leurs "vraies" racines. Ceci sera d'autant plus vrai que les familles d'aujourd'hui sont de plus en plus compliquées, et qu'il y a, en particulier, beaucoup de familles monoparentales. La généalogie génétique actuelle vend beaucoup de vent. Personnellement, je n'ai pas d'intérêt particulier à savoir quel est mon pourcentage de Burgonde ou d'Egyptien. Je comprends que d'autres aient cet intérêt.
RépondreSupprimerJe pense néanmoins que la génétique permettra de lever des interrogations sur la réalité de telle ou telle filiation. Certains ont déjà récemment trouvé qui était leur vrai géniteur alors qu'ils étaient nés d'un don de sperme. On pourra peut-être, à terme, compléter ces branches qui s'interrompent à cause d'un "père inconnu". On pourra peut-être aussi passer outre aux dires de ces documents falsifiés qui ont fait passer pour nobles des gens qui étaient d'origine roturière.
Je trouve dommage d'opposer ces deux démarches. Il faudra peut-être introduire deux pères, le père "civil" et le père "biologique". Ceci contribuerait à enrichir l'histoire de nos familles. Alors laissons cohabiter les deux approches.
Il manque un aspect essentiel à votre analyse : le test ADN n'a pas pour seul but de se dire que l'on descend de telle ou telle ethnie, on s'en doute un peu et on s'en fout un peu aussi, par contre il peut aider à résoudre une énigme (ou pas) et en trouvant des cousins, car pour moi tout l'intérêt du test est là-dedans. Et ça marche, j'en ai eu un exemple pas plus tard que la semaine dernière, d'une personne qui a retrouvé une cousine américaine via un arrière-arrière-grand-père, donc pas très loin et elles ont échangé des photos qu'elles n'avaient jamais vu.
RépondreSupprimerRien que pour ça, le jeu en vaut la chandelle.