Vous croyez que je vais parler de la taille des
arbres généalogiques ? Eh bien vous vous trompez. Je vais vous parler, succinctement,
d'histoire. L'histoire doit-elle être quantitative ou qualitative ?
C'est un peu le grand débat historiographique
de ces dernières années : beaucoup de dépouillements ou peu ?
Pendant longtemps, on ne jurait que par les
dépouillements très nombreux, des milliers voire des dizaines de milliers
d'actes, pour être sûr que le résultat obtenu soit conforme à la réalité. Puis
d'autres historiens sont venus avec notamment la tendance à la microstoria préférant quelques actes et
estimant que l'on pouvait tirer des conclusions similaires.
Mon avis ? Je pense que la microhistoire doit
rester une approche sans conclusions générales. Je ne suis donc pas forcément
d'accord avec des pontes comme Carlo Ginzburg. Je suis pour une microhistoire
mais qui se base sur des dépouillements nombreux et pas seulement sur une
poignée d'actes. Je pense que l'on passe à côté des phénomènes si l'on n'est
pas pleinement immergé dans un monde, si l'on ne voit pas une communauté dans
son ensemble, etc. Je pense à l'exemple cité par Magnusson et Szijarto dans What is microhistory ? (un excellent
livre, par ailleurs) où l'un des deux chercheurs (Magnusson de mémoire) avait
écrit un livre sur un couple d'Islandais grâce à leur correspondance pendant
qu'ils se faisaient la cour. Il avait démontré que ce couple était fou amoureux
et en avait tiré des conclusions sur l'amour dans le couple. Sauf que, quelques
années plus tard, un vieil homme le contacta. Il avait des informations
supplémentaires : le couple s'était marié, avait eu une fille. Le mari devint
jaloux de son propre enfant et il passait son temps à se disputer violemment
avec sa femme. Il partit de chez lui. On le retrouva. Il s'était castré pour
être sûr de ne plus avoir d'enfants avec sa femme…
Ce n'est pas un secret que je prépare un
mémoire et je me suis posé la question de savoir si je devais dépouiller toute
la communauté pour étudier une seule famille. Je me pose toujours cette
question, pour être franc. Cependant, je pense que dépouiller tout ce bourg,
soit plusieurs dizaines de milliers d'actes, est nécessaire pour arriver à
saisir l'esprit qui habitait les villageois, pour comprendre leur vie, leurs
alliances matrimoniales, spirituelles, leurs choix, leurs malheurs. J'ai
dépouillé la moitié de la période et je peux déjà dire que si je ne l'avais pas
fait, j'aurais raté beaucoup de choses, j'aurais moins bien compris mon sujet.
Si l'histoire qualitative est utile car on se
base sur quelques actes que l'on étudie à fond, je pense qu'il faut la mêler au
quantitatif. Il faut faire la synthèse des deux méthodes. C'est ce que j'essaie
de faire, avec toute mon inexpérience en la matière.
Et pour vous, histoire quantitative ou
qualitative ?
Questionnement fort intéressant. Je ne fais pas d'étude d'histoire, mais je pense aussi qu'il faut avoir la quantité pour pouvoir tirer des conclusions plus fines sur une histoire. C'est pourquoi je me suis lancée dans le dépouillement d'un village pour mieux comprendre mes ancêtres qui y ont vécu. C'est lourd et long, mais c'est extremement instructif :) Bonne fin de challenge, et merci pour tous ces articles
RépondreSupprimerC'est une question très intéressante et qui se pose également en généalogie, en particulier lorsqu'il s'agit d'écrire l'histoire de sa famille : doit-on se limiter aux actes concernant son ancêtre ou étudier une plus grande quantité d'actes afin de se faire une meilleure idée de son environnement de vie ?
RépondreSupprimerJe pense, comme toi, que l'histoire qualitative doit être mêlée au quantitatif, et je me rends compte que je fais de plus en plus appel au quantitatif lorsque je travaille sur mon histoire familiale, afin de bien m'immerger dans l'environnement de vie de mes ancêtres (bien sûr cela reste du quantitatif à petite échelle). Cela peut également s'avérer utile pour comprendre un fait particulier (par ex : une migration, ou une mention sur un acte) et de savoir si ce fait était courant ou isolé.