vendredi 7 décembre 2018

Comment transcrire un document en généalogie ?

On a tous affaire à des manuscrits quand on fait de la généalogie, mais une question revient souvent : comment transcrire ?
Il ne s'agit pas ici de vous apprendre à lire le document. Pour cela, il existe des formations par des associations, des cours à la faculté, des sites web... et vous-mêmes, en vous entraînant fréquemment.
Alors de quoi parle-t-on ? De règles ou plutôt de conventions et surtout de conseils.

Pour vous aider, nous allons travailler ensemble sur la transcription d'un document et voir ce qu'il faut faire : ce sera plus pratique que parler de manière abstraite.

Avant toute chose, la première règle est de ne jamais corriger l'orthographe, sauf dans les cas très précis que l'on va voir. La transcription n'est pas une "traduction", il s'agit d'écrire (à la main ou sur ordinateur) exactement ce que l'on voit.
Pourquoi ?
- On peut se tromper et donner un sens à un mot qui en avait un autre si on le transcrit mal
- L'orthographe et son maintien permettent à l'historien de savoir comment l'on pouvait orthographier tel mot ou encore au linguiste d'étudier par exemple les sonorités des mots suivant leurs orthographes (comme les différences régionales).
Pour vous, ça vous permettra aussi d'avoir plus d'authenticité et surtout d'exercer votre oeil en repérant, quand vous débutez, les lettres et non les mots. On n'apprend pas l'orthographe d'un mot sans savoir quelles lettres il contient...

Bref, passons au document (sous l'image, le lien vers l'original, en HD... et surtout dans le bon sens) :

Je vous conseille, surtout si vous débutez, de numéroter les lignes. Quand vous vous en sortirez mieux, vous pourrez vous passer de cela. En attendant, le faire vous permet, outre de savoir où vous en êtes dans le document, d'obtenir de l'aide sur les forums de paléographie ou les groupes Facebook.
Le document date de 1605 et je n'ai mis que la première page. L'année est importante parce que votre transcription ne sera pas la même suivant les siècles. En transcription (de documents en français), on peut distinguer trois périodes : le XVIe siècle, le XVIIe siècle et les documents postérieurs.
Gardons à l'esprit que nous avons un document du XVIIe siècle.

Le document a un titre, assez long et le titre fait partie des lignes :
1. Mariage entre Jehan Guillaume
2. Sauvecane d'une part
3. et Millete Seguine d'autre

A la première ligne pour le mot "Guillaume" et à la troisième pour "d'autre", nous avons des abréviations. Elles sont souvent repérables par le tilde, l'espèce d'accent au-dessus du mot.
Dans une transcription, il faut toujours "étendre" l'abréviation
Pas d'abréviation dans votre transcription, pas de parenthèses non plus, pas de signes particuliers. Rien de tout cela n'est nécessaire pour une abréviation. Pour l'orthographe du mot transcrit, on garde à l'esprit l'écriture du texte. Pour le XVIe, si vous avez une abréviation pour "cette" ou "dudit", il y a de fortes chances que le texte ait parfois le mot entier sous cette forme : "ceste" ou "dudict". Gardez l'esprit du texte tant que possible, mais il n'y a rien de dramatique si vous oubliez ! (rien n'est jamais dramatique)

On continue le texte :
4. L'an mil six cens cinq et le premier
5. jour du mois de novembre environ
6. l'heure de deux apres midy soyt
7. a tous notoire comme soyt esté
8. parlé contracter mariage par parolles

Ligne 6 "apres" et ligne 7 "a" n'ont pas d'accent. On ne met pas les accents, sauf à partir du XVIIIe siècle dans les transcriptions. A partir du XVIIIe siècle, vous pouvez mettre tous les accents.
Pourtant, me direz-vous, et "parlé" ligne 8 et "esté" ligne 7 ?
Bonne remarque.
Lorsque le mot se finit par "é" (parlé, acheté), donc surtout le cas du participe passé, on met l'accent. C'est le cas pour les XVIe et XVIIe siècles (et bien sûr après).
Si le mot est au féminin ou au pluriel (parlée, parlés, parlées) on ne met pas l'accent pour les documents du XVIe, mais on le met pour les documents du XVIIe.
C'est là la seule "règle" à vraiment retenir : celle des accents des participes passés.

On retient donc :
- Maintenir l'orthographe
- Etendre les abréviations
- L'accent final sur le participe passé singulier (acheté) est systématique, pluriel et/ou féminin seulement à partir du XVIIe siècle (achetée, achetées, achetés)
- On met tous les accents à partir du XVIIIe siècle
- On s'amuse

D'autres règles ou conventions existent, notamment dans le cas de notes tironiennes. Ces "notes" sont en fait des morceaux de mots en un seul signe : regardez ici comment ça fonctionne. Elles sont très fréquentes au XVIe, moins au XVIIe. Nous en utilisons toujours comme le "&" pour dire "et". Vous devez surtout retenir "per" "par" "pre" et "qui/que".
Quand vous voyez un mot ou un groupe de lettres qui est barré, il faut le noter et ajouter "barré" ou "biffé" : [biffé : accor]
Quand vous avez un renvoi, il faut inclure le texte renvoyé en fin de page ou de document à l'endroit où a été fait le renvoi : "il a esté *" vous notez : "il a esté [renvoi : accordé]".

Si vous avez des questions, des remarques, n'hésitez pas, les commentaires sont faits pour ça !

En cadeau bonus, je vous livre l'intégralité de la transcription de la page pour que vous puissiez vous entraîner :
1. Mariage entre Jehan Guillaume
2. Sauvecane d'une part
3. et Millete Seguine d'autre
4. L'an mil six cens cinq et le premier
5. jour du mois de novembre environ
6. l'heure de deux apres midy soyt
7. a tous notoire comme soyt esté
8. parlé contracter mariage par parolles
9. passees au louable tracté d'amis
10. comme entre Jehan Guillaume Sauvecane
11. filz legitime et naturel de maistre Jehan
12. Sauvecane notere royal et greffier et
13. de feue Françoise Rouxe de ce lieu
14. de La Tour d'Aigues diocese d'Aix d'une
15. part et damoyselle Miellete Seguine
16. vefve en premier lict de feu Victor
17. Briol de la ville de Marseille
18. fille legitime et naturelle de cappitaine
19. Mathieu Seguin et Bitronne Charlotte

Pour conclure, je suis ravi de n'être pas une femme ayant hérité des prénoms de ces aïeules (j'aurais souffert si j'avais été une femme nommée Bitronne ! mais tellement !).
Sinon, amusez-vous à transcrire, entraînez-vous et n'hésitez pas à aller sur les groupes Facebook ou les forums demander des conseils et de l'aide. Ou à voir avec un professionnel ou un enseignant !
A très bientôt !

8 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  3. Bravo pour cet intéressant article qui traite de paléographie, sujet bien peu abordé dans les blogs généalogiques.
    Quelques remarques :
    - Il y a deux méthodes pour les transcriptions : l'une restituant entre parenthèses les abréviations, surtout utilisée à des fins pédagogiques ; l'autre les restituant sans parenthèses (comme c'est ici le cas), utilisée en édition de textes anciens.
    - Les notes tironiennes (remontant à l'Antiquité romaine) ne sont plus que trois à l'époque moderne : le 9 tironien (con/com), le signe -us, le et tironien.
    - Le système abréviatif de l'époque moderne est directement issu du système médiéval. Outre les trois notes tironiennes, ce système est composé d'abréviations par contraction et par suspension, de lettres spéciales (lettres barrées, tildées, bouclées) et de signes (-ur, -z, abréviations en m, n et r). Ainsi, "per" "par" "pre" et "qui/que" ne sont pas des notes tironiennes, mais des lettres barrées (par, per), bouclées (pro) et tildées (pré, qui/que).
    - Il faut ajouter un s à Guillaumes.
    - On restituera de préférence "aue" avec un l : "aultre".
    - Il est recommandé de restituer la ponctuation selon les règles actuelles.
    Voir :
    http://theleme.enc.sorbonne.fr/cours/edition_epoque_moderne/edition_des_textes
    https://paleo-en-ligne.fr/course/view.php?id=138

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup ! Je pensais justement à votre site en parlant de formation en ligne.
      Votre commentaire est un complément très éclairant. J'ignorais pour les "per" etc. On m'avait appris qu'il s'agissait de notes tironiennes à la fac ; comme quoi, personne n'est à l'abri d'une erreur !
      Encore merci pour ce commentaire et à très bientôt !

      Supprimer
    2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

      Supprimer
    3. En fait, il s'agit d'une erreur que l'on retrouve dans nombre de manuels et donc... répercutée dans les enseignements universitaires :)

      Supprimer
  4. Merci d'avoir pensé à Paléographie-en-ligne. En fait, en répondant ce matin, je l'avais un peu deviné... ;)

    RépondreSupprimer
  5. Je partage cet article sur mon site de généalogiste afin d'en faire profiter les passionnés. Merci pour ce partage de connaissances appréciées.

    RépondreSupprimer