Nous n'avons pas tous la chance de vivre dans
un manoir appartenant à nos familles depuis des siècles. Nous n'avons pas tous
la chance d'avoir de très riches archives familiales. Alors, vers quoi nous
tournons-nous ? Vers la « collection » (numérique, papier) de copies d'actes
concernant nos chers ancêtres. Certains se tournent vers divers ouvrages
publiés sur leurs ancêtres ou sur l'Histoire en général. Ceux-là constituent
ceux que les bibliophiles nomment des « bibliothèques d'érudits ». Mais,
n'est-ce pas aussi de la bibliophilie ?
Le bibliophile n'est pas que l'amateur de jolies
reliures ou d'ex libris, ou de
reliures armoriées ; non ! le bibliophile, comme son nom l'indique aime les
livres. Il les aime pour leur contenu, pour leur contenant.
Je conseille fortement la lecture du Blog du
Bibliophile tenu par le très sympathique Hugues. Il aime les beaux livres, les
belles reliures, mais aussi (surtout ?) il s'intéresse au contenu des livres. A
quoi cela peut-il bien servir d'avoir en reliure plein maroquin un exemplaire
du manuel de votre congélateur. Le beau livre doit renfermer un beau texte.
Mais là où le bibliophile pèche par rapport à
l'érudit, c'est que parfois un vilain livre offre un magnifique texte, ou du
moins un texte très utile. Pour le généalogiste, ce seront les livres publiés
par les universités qui ont un contenant commun, souvent broché. Ce sont aussi
les revues publiées par les sociétés savantes ou pire, les « plaquettes »
agrafées, aux pages jaunies et qui pourtant peuvent renfermer des trésors
d'informations.
Mais en tant que généalogistes, ne pouvons-nous
pas allier les deux ? Le beau livre et le livre intéressant pour notre art ? Je
pense que oui.
Il y a quelques mois, j'ai fait l'acquisition
de l'Histoire de Marseille d'Antoine
de Ruffi dans sa version fac-similé (l'édition originale de 1696 n'est pas à
portée de ma bourse d'étudiant) ; un magnifique in-folio dont le texte
m'intéresse.
Cependant, il y a un problème… Si j'aime les
beaux livres, je préfère de très loin le contenu au contenant. Ainsi, j'ai de
modestes dépouillements d'actes par des associations (contrats de mariage de
Valenciennes, Tabellion de Bouchain, etc.) passablement brochés, collés ou à la
reliure douteuse. Et je pense que c'est aussi votre cas, chers lecteurs, vous
avez des ouvrages médiocres d'apparence. Êtes-vous bibliophile ? Oui, car ces
bibliothèques contiennent des ouvrages rares, voire très rares, que nous nous
sommes procurés au fil des ans, édités à très peu d'exemplaires, que nous avons
traqués sur les sites internet, toujours à la recherche du même titre
introuvable jusqu'au jour où on tombe dessus et qu'on l'achète. Souvent pour un
prix convenable d'ailleurs. Et pourtant, ce sont des trésors, ce sont nos
trésors. Pourquoi ? Parce qu'ils nous aident dans notre quête généalogique ou
historique. Nous constituons des bibliothèques cohérentes, nous élevons de
pleines étagères à la gloire de la recherche historique. Le généalogiste,
l'historien, sont souvent des bibliophiles qui s'ignorent. On peut, je le
crois, être bibliophile sans le savoir, sans en être conscient : l'amour du
papier, du livre, font de nous des bibliophiles. Je vais parler d'un cas que je
connais assez bien, le mien (mais c'est pas possible, il fait que parler de lui
!) : je suis à la recherche de certains ouvrages dont le contenu m'intéresse au
plus haut point. Je n'arrive pas à en trouver un seul exemplaire en
circulation. Je les veux pour leur contenu, et je dois avouer que je ne sais
même pas s'ils sont reliés, brochés ou agrafés. A vrai dire, ce n'est pas ce
qui m'intéresse… MAIS, je souhaite les avoir en format papier. Si je les trouve
en format numérique, je serais content, mais je les veux (mon précieux) en
format papier. Je pense que c'est cet amour du format-livre qui fait de moi un
bibliophile.
Si vous vous reconnaissez dans cette quête,
dans cet amour du livre papier, alors vous êtes bibliophile.
J'imagine que les amateurs de reliures, que les
amateurs de livres XVIIIe, d'incunables, etc., j'imagine que
certains d'entre eux seront outrés que l'on puisse se dire bibliophile et aimer
cette petite brochure des années 1960, agrafée, et la bercer comme un enfant
parce qu'elle nous appris que notre aïeul à la sixième génération avait passé
un contrat de vente à vingt kilomètres de chez lui. Pourtant, il y a autant de bibliophiles
qu'il y a de bibliothèques : chacune est unique comme chaque propriétaire est
unique. Nous partageons un amour du papier, du livre, et notre point commun est
là. Il n'y a pas de hiérarchie dans la bibliophilie ; il n'y a pas un bon
bibliophile et un mauvais bibliophile ; il n'y a que des amoureux des livres.
Peu importe que votre bibliothèque ait de la valeur marchande ou non, peu
importe que vos livres soient issus de la collection royale ou de chez Gibert
Joseph, peu importe que vos livres soient en plein maroquin ou en plein papier
de la Foirefouille. Peu importe que vous ayez une édition originale sur papier
de Hollande ou une édition de poche. Ce qui compte, en tout cas à mes yeux,
c'est que aimiez vos livres et que vous soyez en quête d'autres livres.
J'ai la chance d'avoir une bibliothèque
familiale de près de 10'000 volumes et mes livres préférés ne sont pas
forcément ceux qui valent le plus cher, qui sont le mieux reliés. Non, ce sont
ceux qui parlent de mes aïeux, de près ou de loin, ou qui appartinrent à mes
aïeux. C'est ce numéro de revue qui parle du frère d'un de mes ancêtres, curé à
Paris à qui il fut demander d'enterrer le corps de Louis XVI ; c'est cet
ouvrage dédicacé par Georges Duhamel ou Léon Daudet à mon arrière-grand-père ;
c'est cette collection de romans policiers que j'ai toujours connue et qui
appartient à ma grand-mère ; c'est ce livre de comptines de mon enfance, etc.
Bel article dans lequel je me reconnais. Il y aurait encore beaucoup de thèmes à développer tels l'archivage des livres, leur conservation ... Récemment j'étais chez un relieur qui se désole de ne pas avoir de jeunes pour apprendre le métier.
RépondreSupprimerComment résistez-vous à l'achat coup de coeur chez les bouquinistes ?
Oui, vous avez raison, il y a tellement de choses à aborder ; cela fera probablement l'objet d'une série d'articles. Quant aux bouquinistes, je les évite quand je n'ai pas d'argent, car, justement, je ne sais pas résister ! Et vous arrivez-vous à résister à l'achat coup de coeur ?
SupprimerTout à fait d'accord avec votre analyse. La généalogie m'a amenée à m'intéresser à divers ouvrages sur les communes qui m'auraient parus bien rébarbatifs sans la curiosité de mieux connaître le décor de mes ancêtres. De même, pour les vieux métiers, le code Napoléon, le Bulletin des Lois...et autres ouvrages qui nous aident à appréhender autrement la vie d'autrefois. Merci pour cet article.
RépondreSupprimerMerci pour votre commentaire. Les livres d'études peuvent nous réserver bien des surprises et vous avez raison, ils nous aident à appréhender la vie de nos aïeux et celle des autres. A bientôt.
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