J'en vois déjà partir rien qu'à l'idée du titre
: « Non mais c'est pas possible, c'est trop vieux, et pourquoi pas : "Nos
aïeux et les guerres puniques" ! ». Restez un instant, les guerres de
religion, ce n'est pas si vieux, c'est souvent même à cette époque troublée que
s'arrêtent nos recherches. Et quoi de mieux que d'étoffer un peu ces
générations lointaines dépourvues de dates et de lieux qu'en creusant un peu
l'histoire des guerres de religion.
Ne vous inquiétez pas, il ne s'agit pas d'un
cours sur le sujet, je n'en ai ni la capacité, ni l'envie. Simplement, je vais
évoquer la question des guerres de religion en donnant des pistes de réflexions
pour les généalogistes et les apprentis-historiens.
Être protestant, être catholique : comment
savoir ?
Vous avez des doutes sur un de vos ancêtres ?
Vous aimeriez savoir s'il était protestant, catholique ou autre ?
Il n'est pas évident d'avoir accès aux
registres paroissiaux pour la fin du XVIe siècle. Il reste alors les
registres des notaires (entre autres, mais j'y reviendrai). Pour savoir si
votre ancêtre était bien protestant, je vous conseille de regarder les formules
religieuses dans les testaments. J'avais déjà évoqué ce sujet dans l'article «
H comme Huguenots » du Challenge AZ 2015. Je ne reviendrai pas sur le détail
des formules, mais, comme promis dans un précédent article, je vais renvoyer le
lecteur intéressé vers certains ouvrages.
Il est important de noter que le généalogiste,
comme l'historien, a du mal à établir des généralités pour des régions aussi
disparates que le Hainaut, la Bretagne ou la Provence. C'est pourquoi je vais
conseiller des ouvrages dits « régionalistes » sur deux provinces que j'ai
étudiées à savoir la Provence et le Dauphiné :
- Gal S., Grenoble
au temps de la Ligue. Étude politique, sociale et religieuse d'une cité en
crise (vers 1562 - vers 1598), Grenoble, Presses Universitaires de
Grenoble, 2000.
Cet ouvrage est issu d'une thèse de doctorat et
plus encore que l'étude des protestants, elle s'attarde sur la vie à Grenoble
pendant les troubles. Extrêmement documentée, fruit d'un travail colossal, cet
ouvrage s'adresse aussi bien au généalogiste qui a des ancêtres grenoblois qu'à
l'historien s'intéressant aux guerres de religion mais aussi à l'étude sociale
sous l'Ancien Régime. C'est un ouvrage qui n'est pas facile à lire, je ne vais
pas mentir. Il est très dense mais est d'une aide précieuse.
- Borello C., Les protestants de Provence au XVIIe siècle, Paris,
Honoré Champion, 2004.
Là aussi, il s'agit d'un ouvrage issu d'une
thèse sous la direction du très célèbre chercheur Gabriel Audisio (connu pour
son travail remarquable sur les Vaudois du Luberon). Assez remarquable, cet
ouvrage coûte un bras (118€), je vous conseille donc de le trouver en
bibliothèque. Il n'aborde que très peu les guerres de religion puisqu'il se
concentre sur la vie des protestants sous le régime de l'édit de Nantes (1598)
qui signe justement, avec la paix de Vervins, la fin des guerres.
Ces deux ouvrages nous renseignent sur les
formules testamentaires et l'on pourra utilement les coupler avec la magistrale
thèse de Michel Vovelle (Vovelle M., Piété
baroque et Déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle, Paris,
Éditions du C.T.H.S., 1997.) sur la déchristianisation en Provence au XVIIIe
siècle.
Enfin, pour les curieux je conseille l'ouvrage
suivant dont le titre dit tout : Wanegffelen T., Ni Rome ni Genève. Des fidèles entre deux chaires en France au XVIe
siècle, Paris, Honoré Champion, 1997.
« Et mes ancêtres alors ? » vous demandez-vous.
Comment lier ses ancêtres à cela ? S'ils étaient paysans, avaient-ils quelque
chose à voir avec ces guerres ?
Oui, probablement, car les guerres de religion
sont des guerres civiles. Il ne s'agit (presque) pas de grandes batailles mais
de guérillas (voir à ce sujet, toujours pour le Dauphiné, Gal S., Lesdiguières. Prince des Alpes et connétable
de France, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2007.). Tout le
monde était suspecté d'être protestant car ce n'est pas une guerre où l'on a un
uniforme ; n'importe qui pouvait être protestant en secret (ou catholique) et
il fallait user de ruses pour survivre : se cacher, fuir voire payer des gens
pour vous protéger. Dans les campagnes, la vie en a été affectée.
Les villages étaient divisés (pensez à
l'Affaire Dreyfus et aux divisions terribles en France à ce sujet), les
familles écartelées. Cependant, le généalogiste ne sait pas où chercher pour
étoffer la vie de ses ancêtres pendant cette période : si l'on descend de
paysans catholiques à cette époque, en quoi cet article peut nous aider ?
Merci de poser la question.
Il faut creuser dans la vie quotidienne : l'ordinaire
en temps extraordinaire. A quoi ressemblait la vie de nos aïeux à cette
époque ? Pour cela, il faudrait se tourner vers les inventaires des archives
communales, voir les délibérations, les recettes fiscales, les documents sur
l'armée et en étoffant la vie de son village, l'on étoffe la vie de ses
ancêtres. Telle commune a accueilli un Temple protestant : Comment les
délibérations en rendaient-elles compte ?
Fouiller dans les archives notariales est aussi
utile. Passe-t-on autant de contrat de vente, fait-on autant de prêts qu'avant
? Vos ancêtres ont-ils une attitude particulière ? La série notariale aux
archives départementales comprend aussi des documents un peu isolés. N'hésitez
pas à les consulter s'ils concernent cette époque. Par exemple, à La
Tour-d'Aigues (Vaucluse), en 1587-1588, il y avait la peste et des testaments privés sont collectés dans la série des notaires. Comment vivaient
les habitants en temps de peste et de guerre ? La Tour-d'Aigues était un bourg
catholique au milieu d'un Luberon protestant ; quels étaient les rapports avec
Lourmarin ?
Je ne parle même pas des fonds dispersés, des
papiers de famille, des correspondances et autres documents que vous trouverez
dans les inventaires aux AD.
N'hésitez pas aussi à vous plonger dans les
monographies locales, cherchez dans la base Sudoc si des ouvrages ont été
écrits, renseignez-vous auprès des universités proches des lieux où vivaient
vos ancêtres : leurs bibliothèques regorgent de mémoires de maîtrise et de
master.
Je ne vais pas revenir sur les outils des
généalogistes : Bases de données généalogiques, Gallica, Geneanet (notamment la
librairie en ligne), etc. Ces outils du généalogiste permettent de retracer les
trajectoires individuelles. Tournez-vous aussi vers les revues savantes locales.
Vers le Bulletin de la Société du Protestantisme Français, etc.
Si nos ancêtres n'ont pas fait la « grande »
histoire, ils l'ont vécu. A nous de relier nos ancêtres à ces événements, ces
épidémies ou catastrophes climatiques (puisque tel est l'un des généathèmes du
mois) ; à nous d'interroger les documents, de leur poser des questions (par
exemple celles évoquées plus haut). Les documents sont là, quelque part, il
nous reste à aller les chercher et à épuiser l'archive.
Un petit complément http://www.roelly.org/~pro_picards/identifier.htm
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